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[Critique] Crave (Charles de Lauzirika, 2012)

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Paris International Fantastic Film Festival 2012 : Compétition.

Avec leur scénario écrit comme un croisement entre Taxi Driver et La Vie secrète de Walter Mitty, Charles de Lauzirika et Robert Lawton tentent de capter le désordre mental d’un homme en colère contre le monde qui l’entoure, un loser intégral sur la brèche. Et si la première partie du film, assez brillante, établit les codes d’un vigilante fantaisiste et hardcore, la seconde vient rompre le process et prend un tout autre chemin, à la fois plus proche du réel et beaucoup plus convenue.

Depuis un peu plus de dix ans, Charles de Lauzirika fréquente des cinéastes de renom pour des films documentaires et making-ofs. David Lynch, Ridley Scott, Michael Bay, James Cameron, Sam Raimi ou encore David Fincher, de quoi s’établir un impressionnant carnet d’adresses tout en se formant au cinéma auprès des meilleurs. Pour son premier film de fiction, il s’entoure donc d’une équipe technique de luxe et livre un film formellement irréprochable. Malheureusement, le plus beau des écrins ne peut pas masquer une écriture maladroite et Crave en pâtit sévèrement. Partant sur des bases solides, voire carrément passionnantes, le premier film de Charles de Lauzirika perd de sa puissance au fur et à mesure que passent les séquences et finit par préférer un lyrisme romantico-pathétique à la charge offensive de ses débuts. Ou quand la promesse d’un vigilante hard boiled et la plongée dans un esprit fragile face au système se mue en un banal portrait de loser préférant le confort de ses hallucinations à une réelle prise de conscience.

Crave 1 [Critique] Crave (Charles de Lauzirika, 2012)

La première moitié de Crave est un véritable modèle du genre. L’écriture y est précise, la mise en scène extrêmement élégante, l’acteur principal Josh Lawsonest incroyable, tout est mis en place pour créer une forte empathie avec le personnage. Et même si le pilote automatique semble enclenché, à travers une mécanique bien huilée qui part de l’utilisation massive de la voix off à des séquences purement fantasmées, l’ensemble est monté de façon si habile (grâce à David Crowther, assistant monteur sur plusieurs films de James Cameron et monteur des versions longues ou alternatives d’Alien et Alien³) que ça fonctionne à plein régime. Aiden est le prototype du loser en pleine révolte intérieure, le type qui assiste à un nombre incroyable d’incivilités dans la ville mythique de Detroit et se rêve en vigilante pour rétablir l’ordre. A l’image, cela se traduit par quelques scènes purement fantasmées, artifice très classique pour illustrer le désordre mental d’un personnage, se transformant bien souvent en débordement gores remplis de rage tout à coup relâchée. La force du film et de son propos est qu’ils font écho à des situations que n’importe quel spectateur a déjà vécu, à l’image du connard qui consulte ses textos tout au long de la séance de cinéma ou de l’autre tout aussi méprisable qui vous cogne dans le siège. Ce que provoque Crave est une empathie purement cathartique, on ressent cette envie malsaine de le voir passer à l’acte, que le fantasme déborde sur la réalité, que le film devienne un véritable vigilante bien énervé, quitte à souiller la bonne morale. Sauf que visiblement, Charles de Lauzirika a un tout autre projet. Et plutôt que le dérivé de Taxi Driver annoncé jusque dans le graphisme de l’affiche, le film devient autant une illustration de la spirale de l’échec avec les évènements grotesques qui vont avec, mais également un conte moral un peu bête sur le pouvoir de l’amour comme remède à la folie. Alors que les visions se faisaient de plus en plus dérangeantes, la petite romance qui se met en place devient la bouée de sauvetage du personnage et Crave change catégoriquement de ton jusqu’à ne plus rien provoquer de bien intéressant.

Crave 2 [Critique] Crave (Charles de Lauzirika, 2012)

Crave garde sa linéarité et son application dans la mise en scène, toujours très propre, mais s’abandonne en perdant le mordant de sa première partie. Le propos social passe de subversif à grossier et le personnage n’en finit pas de subir les coups du sort jusqu’à commettre l’irréparable, mais par accident. Les auteurs ne savaient visiblement plus trop vers quelle direction aller et le résultat se retrouve logiquement en demi-teinte. Plombé par ses envolées lyriques inadaptées et une approche petits-bras, Crave piétine pendant près d’une heure toutes ses belles promesses pour tomber dans un récit finalement très banal et assez peu impressionnant. Dommage, car le travail effectué sur les hallucinations d’Aiden, et notamment le traitement sonore colossal, sur le côté très ludique de l’exercice avec cette façon de prendre le spectateur à parti, sur la violence frontale et brutale, ou sur le discours premier tout simplement, laissait de beaux espoirs. A ce titre, on y trouve des scènes formidables, et bizarrement très posées, lors des discussions entre Aiden et le flic Pete, interprété par Ron Perlman. Dans ces moments, Charles de Lauzirika touche quelque chose de beau et de dérangeant à la fois, en provoquant l’instinct chez le flic, en catalysant la haine d’un monde pourri. mais plutôt que de pousser la réflexion, le réalisateur y préfère la volupté d’une mise en scène organique, une lumière diffuse et une musique onirique pour souligner à quel point les losers ont besoin de leur monde imaginaire pour exister. Et à vrai dire, on s’en fout un peu car Crave nous a perdus depuis longtemps, après avoir abandonné les visions hallucinées de Bill Gates et consorts.


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