Tous les jours ou presque, Benoit, festivalier déviant émérite, nous fera un rapide compte-rendu des films vus lors de la seconde édition du PIFFF. Certains films seront chroniqués plus en détails par la suite.
In their skin
Le home invasion a le vent en poupe ces dernières années, on peut parler pêle-mêle de l’excellent Malveillance de Jaume Balaguero (présent au PIFFF l’année dernière) ou encore dans le même genre mais avec un style différent Kidnappés de Miguel Angel Vivas totalement bourrin et outrancier. Sous genre paranoïaque du thriller dont certains diront que les origines remontent à Straw Dog qui connaitra un tournant important avec la sortie de Funny Games, référence ultime du home invasion par son propos et par l’atmosphère de malaise qu’instaure Haneke.
Dans un genre qui commence sérieusement à tourner en rond, Jeremy Power Regimbal tente d’y apporter un nouveau souffle en créant le home invasion familial. Une famille en tout point identique à celle de Tommy, Mary et leur fils veulent prendre leur place, leur maison, leur vie. Car c’est là véritablement la seule différence notable, la seule nouveauté que propose le réalisateur canadien, ne dépassant jamais le cadre du film d’intrusion classique et ne parvenant pas à transcender les codes mis en place par son illustre ainé, Funny Game.
Dès l’entame du film on sent qu’il manque quelque chose, qu’il manque une angoisse, une peur, même à l’apparition de la famille dont on sait que ce sont eux qui séquestreront les occupants de la maison. Jeremy Power Regimbal tente d’instaurer petit à petit un malaise lors d’un repas entre les deux familles très bien mis en scène, mêlant questions indiscrètes qui rendent mal à l’aise, humour et cynisme.
Dès lors on comprend que le film va aller crescendo, sans jamais changer brutalement de rythme, ni basculer totalement dans la violence pure, In their skin donne plutôt dans la montée en tension se faisant succéder les scènes de plus en plus tendues jusqu’à une scène particulièrement tordue où les intrus et leur gamin obligent Tommy et Mary à faire l’amour devant eux.
Quelques bonnes idées jalonnent donc le film mais le réalisateur n’arrivera jamais jusqu’au climax, n’atteindra jamais le point d’orgue où l’angoisse et la peur submergent le spectateur. On aurait préféré une meilleure exploitation du fils des intrus qui avec un potentiel de perversion assez conséquent aurait été un atout considérable à ce film qui peine à renouveler le genre.
Un home invasion tout à fait classique et de plutôt bonne facture mais qui arrive un peu tard tant la vague de ce genre film a été importante ces dernières années et qui font que malheureusement le spectateur ne sera ni surpris, ni enthousiasmé.
En compétition internationale, il possède certes des atouts intéressant mais manque de ce petit supplément qui aurait pu lui permettre de prétendre à quelque chose.
Crave
Annoncé comme un film d’auto défense aux relents de Taxi Driver, genre qui peut être assez jouissif et subversif si on n’a pas peur d’aller jusqu’au bout du propos, Crave attise une certaine curiosité surtout quand on sait que le réalisateur s’est entouré du production designer de Blade Runner.
Curiosité amplement satisfaite dans un premier temps avec un parti pris original et qui fait mouche tout de suite. Charles De Lauzirika nous montre un sorte de monsieur tout le monde, loser magnifique et lâche patenté qui aime à s’imaginer en défenseur de pauvres dames ou en défonceur de tête de con à grand coup de masse. Cette dernière scène est particulièrement réussie, qui n’a jamais rêver de défoncer la gueule d’un pauvre con devant soi qui n’arrête pas de dire des conneries hein ?
Naturellement donc on commence à s’identifier au personnage, à rentrer en empathie avec lui, le discours devient plus rude, plus noir et désespéré à l’image de cette scène dans restaurant où Aiden, le personnage principal avoue à son pote flic incarné par Ron Perlman qu’il souhaite exterminer tout une partie de la population, de débarrasser la société de ces zonards qui la pourrissent. Petit à petit, le personnage sombre dans la schizophrénie, on sent que la folie le guète, il croit parler à Bill Gates, les voix se multiplient, on s’attend légitimement à ce qu’il passe à l’action, qu’il devienne le nouveau Travis Bickle qu’il rêve d’être.
Mais Aiden est et restera un loser, les scènes incroyablement drôles où il s’imagine être quelqu’un d’autre resteront imaginaires Tout au long du film, par petites touches le réalisateur nous indique que Aiden ne pourra jamais franchir le pas, à l’image de la scène de chantage envers un pédophile où il n’est pas foutu de négocier quoi que ce soit ou encore celle où il sauve une prostituée des coups de son mac pour finir par se faire tirer dessus par elle. Et le film sombrera même dans un lyrisme et un romantisme au moment de la rencontre entre Aiden et sa voisine, qui tranchera complètement avec la première partie du film, au risque de décontenancer une partie du public.
Avec un film quasiment en deux partie, Charles De Lauzirika évite soigneusement de faire de Crave un vigilante original et détonnant et préfère faire un film moins séduisant mais plus réaliste où Aiden reste un raté à qui rien ne sourit. Parti pris un peu bizarre compte tenu de la première partie mais qui tient plus ou moins la route si on regarde la personnalité du personnage principal qui n’a ni le charisme, ni la folie dans le regard d’un De Niro dans Taxi Driver. Le manque de crédibilité aurait pu être tel que le film aurait largement tourné au ridicule.
Terrible gâchis pour certains, correct et caustique pour d’autres, Crave est clairement loin d’être le film de l’année, malgré tout, son humour ravageur et toute la première partie du film resteront ses principaux atouts.
En compétition internationale, il sera largement handicapé par la dichotomie de son récit et l’évolution de son personnage, c’est le problème quand on ne tient pas ses promesses, on déçoit.
The Seasonning House
Le survival est un des rares genre qui permet un certain renouvellement car malgré quelques codes imposés, on peut ancrer l’histoire dans un contexte qui donne la liberté au réalisateur de jouer sur certaines peurs plus que d’autre. Du claustrophobique The Descent à la chasse à l’homme angoissé d’un Délivrance ou d’un très honorable Eden Lake pour citer un exemple récent, la palette peut être large.
Mais pour son premier film, notre ami Paul Hyett s’est dit qu’il allait inventer le survival nouvelle génération, le survival qu’on n’en avait jamais fait des comme ça avant et attention les yeux, ça va piquer, on sort les grosses ficelles et les gros sabots et au travail Jeannot ça va envoyer du lourd.
Car oui c’est un finaud le Paulo. Malgré un contexte de départ qui se suffisait largement à lui même, une sourde et muette séquestrée dans un bordel dans les Balkans tente de s’échapper, Hyett s’évertue pendant toute la première partie du film à nous infliger des flashbacks sur la vie passée de la jeune fille, son enlèvement par les méchants soldats le tout baignant dans un pathos indigeste et totalement hors sujet. Le réalisateur veut de toute évidence faire passer un message qui a tout l’air d’un enfonçage de porte ouverte tant les exactions qu’il prétend dénoncer sont connues de tous et qui sur le même sujet ne tient pas la comparaison avec un Whistleblower autrement plus subtil.
Après une succession de caricatures, de poncifs, de flashbacks émotionnels, l’attention du spectateur étant continuellement mise à l’épreuve jusqu’à la seule scène d’action qui vaille un peu le coup, le meurtre d’un milicien par la jeune sourde et muette, très réussie pour le coup, et qui remontera un peu le niveau du film et marquera le début de la traque.
On se dit alors que le film peut commencer et partir en véritable survival mais c’est sans compter sur ce filou de Hyett qui retombe inexorablement dans des travers impardonnables. Twists téléphonés, aucune tension, ni angoisse, ni climax, ni scènes choc. Il y a un réel problème d’écriture et d’imagination dans la réalisation pour pouvoir en faire quelque chose de potable. Pas grand chose à sauver donc de ce film dont le postulat de départ aurait pu amener à quelque chose de bien plus transgressif et crasseux que ce survival lacrymal féministe qui passe plus de temps à essayer de nous faire tirer les larmes qu’à nous donner du survival pur et dur.
Je crains qu’avec un tel modèle de base, le survival lacrymal féministe n’a pas beaucoup d’avenir, on ne le regrettera pas.