Tous les jours ou presque, Benoit, festivalier déviant émérite, nous fera un rapide compte-rendu des films vus lors de la seconde édition du PIFFF. Certains films seront chroniqués plus en détails par la suite.
Au programme du jour, deux premiers films assez éblouissants et un classique restauré de l’ancien empereur de l’horreur transalpine.
The Cleaner
Depuis maintenant plusieurs années et le très bon 28 jours plus tard de Danny Boyle, le film d’infectés, ou film de virus, a trouvé un regain de forme dans le cinéma de genre, dépoussiérant aussi au passage le film de zombie dans un mélange des genres qui peut être détonant. Malheureusement comme tout effet de mode, tout le monde veut surfer sur la vague et en croquer un peu. Il y a ceux qui parviennent à transcender leur sujet et apporter une vision originale – on pense à La Route notamment ou encore le très honorable Infectés – et les autres qui sont pour la plupart oubliables tant ils n’apportent rien de nouveau à un genre qui commence à tourner à vide.
Et c’est une nouvelle voie que va emprunter Adrian Saba pour son tout premier long métrage, quelque part entre La Route et Infectés, il évite volontairement les scènes sanglantes, les courses poursuites de zombies enragés ou les scènes macabres post-apocalyptiques pour se focaliser sur la relation entre Eusebio, homme solitaire et peu loquace dont le travail est de nettoyer après la mort d’un infectés, et Joaquin, un jeune garçon qu’Eusebio retrouvera seul dans une maison alors qu’il effectuait sa tâche quotidienne.
Parti-pris assez couillu tant il s’éloigne des attentes générales du public en matière de film d’infectés au risque de créer un clivage très fort. A aucun moment il ne s’écartera de sa ligne conductrice et tout au long du film nous suivront l’évolution de la relation entre ce jeune garçon et ce vieil homme qu’au départ rien ne rapproche. Le traitement de cette relation, son évolution, l’affection que ressentiront les deux protagonistes l’un pour l’autre, les scènes de silence feront naturellement penser à L’été de Kikujiro de Kitano, dans un contexte tout à fait différent, l’humour et les rencontres loufoques en moins. Adrian Saba réussi le tour de force d’imprégner une poésie presque kitanesque dans la relation entre ses deux personnages sans pour autant en oublier le contexte. Les rues désertes, le rituel quotidien qui consiste à se laver les mains et se passer un spray sur les vêtements, tout ces petits détails font que le contexte de l’infection est toujours présent mais pas surdéterminant.
The cleaner explore une nouvelle voie dans un genre qui peine à se renouveler, à travers un rythme assez lent avec pas mal de plans fixes. Adrian Saba nous offre un film sensible et poétique qui manque peut être un peu de lyrisme ou d’émotion pour être un grand film mais ce jeune réalisateur porte en lui les plus grand espoir pour la suite de sa carrière.
En compétition internationale son côté atypique et clivant lui empêchera certainement de prétendre à quelque chose, c’est dommage car il vaut largement le coup d’oeil.
Quatre mouches de velours gris
Dernier film de sa trilogie animale composé de L’oiseau au plumage de cristal et Le Chat à neuf queues, Quatre mouches de velours gris n’est pas ce qu’on pourrait appeler un giallo traditionnel ou du moins peut être considéré comme un giallo atypique.
Ne serait-ce que dans la construction du film, Argento prend le pari de faire un mélange des genres entre le thriller et le drame psychologique qui traitera du couple et de sa déliquescence sur fond de meurtre, de complot et d’enquête. Pari osé mais qui n’entachera en rien la tension qui peut régner tout au long du film. Ce film est empreint d’une atmosphère angoissante presque claustrophobique parfois, qui est en grande parti due au fait que la majeur partie du film soit tournée dans l’appartement du jeune couple proche de la rupture.
Atypique aussi par son humour omniprésent par le biais de scènettes très bien intégrées au scénario, l’exposition des croques-mort, le facteur tabassé et surtout Jean-Pierre Marielle en détective privé homosexuel et ultra maniéré qui vaut à lui seul le coup d’oeil.
Malheureusement, loin d’être parfait, Quatre mouches de velours gris est à postériori parfois drôle à ces dépends. On regrettera le doublage de Jean-Pierre Marielle aussi réussi que celui d’une pub schwarzkopf, les incohérences scénaristiques et quelques plans qui dévoilent une production franchement cheap et qui aurait pu être évités avec un minimum d’imagination dans la mise en scène.
Des petits défauts charmants mais qui ne nous font pas bouder notre plaisir tant ce film recueille les prémisses de mise en scène pour l’époque quasi expérimentale et que l’on retrouvera plus tard dans les chef d’oeuvre d’Argento au sommet de son art.
Scénaristiquement assez faible et globalement assez atypique, Quatre mouches de velours gris n’est pas le meilleur Argento qui soit mais peut-être son plus personnel qui préfigure de ce que sera par la suite Les Frissons de l’angoisse et Ténèbres.
Citadel fait directement écho à la vie personnelle de Ciaran Foy qui a lui même était victime d’agression et ça se sent. Le réalisateur parvient de façon magistrale à retranscrire à l’écran la peur, l’angoisse et la violence du traumatisme subi grâce à une réalisation impeccable mais surtout grâce à la performance d’acteur incroyable d’Aneurin Barnard qui dans sa gestuelle, son regard, son attitude incarne parfaitement la victime traumatisée et apeurée.
Ce sera d’ailleurs une des théories sur laquelle s’appuiera Ciaran Foy pour bâtir son film. La peur te transforme physiquement en victime et les agresseurs sentent la peur, la voient et t’agresseront de nouveau car tu es une proie facile. Théorie qui dictera les faits et gestes du protagoniste qui tentera non sans mal de se défaire de cette peur pour sauver sa fille.
Mais ce n’est pas ce qu’il y a de plus intéressant et subversif dans Citadel. Ce qu’il y a de plus remarquable c’est l’idéologie du film, le message. Prenons tout d’abord les agresseurs, de jeunes enfants encagoulés, habillés comme des zonards de banlieue. Par ce biais le réalisateur entend clairement faire référence à ces petits délinquants minables de banlieue. Par la suite on découvrira qu’ils ne sont pas totalement humain, ils sont transformés en sorte de monstres ultra-violents, des prédateurs sanguinaires qui guettent la moindre once de peur chez les autres pour les agresser. En déshumanisant ses agresseurs, Ciaran Foy empêche tout possibilité de compassion ou d’identification, bien appuyé en cela par le discours du prêtre interprété par James Cosmo qui considère que ces personnes sont irrécupérables et qu’ils doivent être exterminé.
Il prend ainsi le contre-pied parfait de l’idéologie ultra dominante qui consiste à faire de ces personnes des victimes de la société. Discours en partie véhiculé dans le film par le biais de l’infirmière qui aide Tommy dans sa quête mais qui est vite balayée de façon aussi soudaine que brutale.
Pour autant, le film n’est pas construit dans la haine des agresseurs mais plutôt sur l’empathie envers l’agressé. Le réalisateur se focalise essentiellement sur Tommy, sur sa quête, il veut récupérer sa fille et pour cela il doit se faire violence, se comporter en homme et ne plus être une victime.
Un film fort, violent et marquant qui ne peut laisser indifférent. La mise en scène des agressions est d’une telle puissance qu’on se prend ça en pleine poire, on est réellement bousculé à la sortie de ce film rude et angoissant.
En compétition internationale, ce très grand premier film et pour moi jusqu’à présent, le meilleur film de la compétition.