Paris International Fantastic Film Festival 2012 : Film de clôture.
Il y a 6 ans Christophe Gans tentait l’impossible et livrait ce qui reste à ce jour la plus belle adaptation d’un jeu vidéo au cinéma, imposant judicieusement sa vision tout en conservant un univers foisonnant. Si le film a pu en décevoir, il reste un modèle à suivre, ce qu’aurait dû faire le britannique Michael J. Bassett avant de se lancer dans la réalisation de cette suite tout bonnement indigente. 20 millions de dollars pour une série Z même pas digne de sortir en DTV et qui applique à la lettre le principe d’adaptation de jeu vidéo façon Paul W. S. Anderson. Une honte.
En 2006 Christophe Gans réalisait Silent Hill, film imparfait mais qui transpirait autant l’amour pour cet univers que le beau cinéma, et dont le final baroque à souhait transformait un élément imposé en festival de chair et de sang. Une suite a immédiatement été envisagée sans gans mais toujours avec Roger Avary au scénario, jusqu’à ce que ce dernier doive abandonner pour cause de petits problèmes avec la justice (et 8 mois de prison pour homicide involontaire). C’est le britannique Michael J. Bassett, auteur et réalisateur de La Tranchée, Wilderness (qu’il se contente de réaliser) et Solomon Kane qui prend en main le projet sous la houlette de Samuel Hadida et sans Masahiro Ito qui devait signer le design des créatures. Avec un budget somme toute confortable de 20 millions de dollars, il accouche de quelque chose d’incompréhensible, un film qui souille sans vergogne la franchise vidéoludique sans pour autant proposer quoi que ce soit d’intéressant en terme de cinéma. Une anomalie qui ne ferait pas tâche au sein du catalogue Asylum et qui permet de réévaluer à la hausse la plus médiocre des multiples adaptations de jeux vidéo par Uwe Boll. Entre désintérêt total de la cohérence de cet univers, écriture au rabais et paresse dans la mise en scène, Michael J. Bassett, pourtant très fier de son film qui “doit être vu en 3D” (on y revient plus bas), atteint des sommets de foutage de gueule, dans la grande tradition de la suite opportuniste et purement mercantile, se moquant ouvertement du spectateur et du gamer qui voit son expérience de la peur ultime se transformer en vaste blague.
Silent Hill : Révélation est tout à fait ancré dans l’état d’esprit de producteurs ne reculant devant rien, y compris avancer un amour sans bornes pour le cinéma de genre, pour justifier leur choix roublard. En choisissant une trame relativement proche de celle de Silent Hill 3, c’est l’excuse idéale pour s’adresser au nouveau cœur de cible du cinéma horrifique grand public, les adolescents, et ce grâce à une héroïne à leur image. Il ne faut pas chercher plus loin les raisons du choix d’Adelaide Clemens, elle ressemble comme deux gouttes d’eau à Heather Mason. Une héroïne cependant repensée de A à Z le temps d’une pirouette scénaristique grotesque. La première d’une longue série. Car le scénario de Silent Hill : Révélation est une succession de mauvaises idées. Là où Christophe Gans prenait le temps d’établir un monde régi par des codes précis, Michael J. Bassett se contente du strict minimum, quitte à briser tout principe de cohérence, mais tout en récupérant à son compte quelques belles idées du film précédant. Impersonnel au possible, truffé de clins d’œils vulgaires afin d’espérer séduire les fans les plus crétins, le film se fourvoie en s’attachant à capter une mythologie qui lui échappe complètement. Dès lors, tout devient ridicule. Les références au Métatron, motif en appelant tout de même au messager de Dieu, à l’ordre de Valtiel comme variation de tous ces cultes d’extrémistes religieux, soit des éléments intrinsèquement fascinants, et qui l’étaient dans le jeu vidéo, deviennent de simple références débiles tombant comme un cheveu sur la soupe. La faute à un traitement qui oublie l’implication du spectateur, lui envoyant des informations sans qu’elles n’aient vraiment de sens au sein des minuscules enjeux dramatiques du film. L’absence de soin apporté à la narration est une des nombreuses tares dont ce Silent Hill : Révélation souffre du début à la fin, bien mis en valeur par l’indigence des dialogues. A ce titre, la fameuse révélation du titre aura lieu le temps d’une scène dans un motel qui repousse les limites du n’importe quoi, bien servie par des acteurs tellement fades que cela en devient très embarrassant.
Niveau exploitation de la mythologie, niveau écriture, on se situe proche du néant. Mais Michael J. Bassett va aller jusqu’à détruire ce qui faisait l’atout principal du premier film, son traitement visuel. La majorité des créatures sont reprises du film précédent, les nouvelles manquent singulièrement de charme (l’araignée faite de mannequins est une catastrophe), et il réussit l’exploit de rendre laides les apparitions des ténèbres qui avalent le décor. D’autant plus qu’il perd également le sens profond de ces plongées dans les ténèbres, représentations démoniaques d’un esprit vengeur en même temps qu’écho à un personnage de mère en plein cauchemar. Au lieu de ça, il s’en sert comme gadget pour mettre en valeur la belle direction artistique mise à mal par une photographie assez dégueulasse et une utilisation de la 3D tout aussi ridicule que le reste. Dans Silent Hill : Révélation, aucune utilisation du relief comme élément de mise en scène mais simplement comme un outil rigolo permettant d’envoyer des éléments du cadre vers le spectateur. Des cendres qui tombent, des phalanges coupées et quelques coups d’épée, voilà à peu près le seul intérêt de la 3D par Michael J. Bassett. Le réalisateur manque tellement d’idées que cela se traduit soit par des plans calqués sur ceux de Gans, soit par la répétition du seul effet sympathique de son film, à savoir le travelling circulaire qu’il recycle jusqu’à l’overdose. Pour le reste, c’est parfois d’une laideur confondante (les incrustations des flammes en premier plan pour couvrir un tiers du cadre…), ça ne dépasse pas le niveau du script d’un jeu vidéo d’il y a 20 ans, et les figures mythologiques y subissent les derniers outrages, à l’image d’un Pyramide Head qui d’un plan à l’autre passe de chauffeur de manège à combattant virevoltant façon jeu de baston, le tout bien entendu tellement surdécoupé que le duel pensé comme un climax donne envie de pleurer de honte. On se demande encore comment il est possible d’écrire, financer et réaliser une horreur pareille, qui en plus de flirter avec les bas-fonds cinématographique en terme de qualité générale, prend son public pour une assemblée de crétins. Et encore, on ne va pas s’attarder sur les prestations tout aussi honteuses de Sean Bean, Carrie-Anne Moss ou Malcolm McDowell qui viennent d’ajouter une sacrée casserole à leur carrière qui n’en avait pas besoin.